Les doigts de la femme âgée retenaient quelques pièces de monnaie, les agitant, tandis qu'elle faisait sa tournée auprès des clients du café où j'étais assis en train de boire une boisson chaude en attendant la réouverture des magasins après la pause de la mi-journée. Sa voix était douce, cajoleuse, en demandant quelques pièces aux clients.
Il y a très peu de mendiants là où je vis. Dans une ville de 200 000 habitants, la demi-douzaine de mendiants que je vois régulièrement sont soit très âgés, soit amputés d'une ou deux jambes. En tant qu'Américain vivant à l'étranger depuis des années, j'ai été témoin d'un scénario qui se répète à chaque saison touristique. Les habitants donnent systématiquement quelques pièces aux mendiants. Les touristes ? Jamais.
Maintenant, je l’admets. Ayant déjà été dupé à plusieurs reprises parce que les gens pensaient à tort que j'étais riche, je comprends que les touristes pensent qu'ils sont visés simplement parce qu'ils sont - majoritairement - nord-américains. Ça devient vite désagréable et nourrit une forte suspicion à l'égard des habitants. Les gens qui vivent ici, en revanche, voient les choses différemment. Il y a une éthique de travail très forte parmi les habitants, et si une personne mendie, les gens savent qu'il y a un réel besoin. Aussi, il est raisonnable qu'une personne âgée très démunie, vous voyant boire un café à 2,50 euros, suppose que vous avez les moyens de lui donner 50 centimes ou un euro.
Le fait de voir les habitants donner quelques pièces aux mendiants alors que les touristes font semblant de ne pas les voir rappelle l'une des paraboles de Christ, et une vérité profondément enfouie qui a été perdue de vue par les lecteurs modernes.
Le riche insensé
Un jour, quelqu'un est venu vers Yahushua et lui a dit : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. »
Yahushua lui répondit : O homme, qui m'a établi pour être votre juge, ou pour faire vos partages ? Puis il leur dit : Gardez-vous avec soin de toute avarice; car la vie d'un homme ne dépend pas de ses biens, fût-il dans l'abondance.
Et il leur dit cette parabole : Les terres d'un homme riche avaient beaucoup rapporté. Et il raisonnait en lui-même, disant : Que ferai-je ? car je n'ai pas de place pour serrer ma récolte.
Voici, dit-il, ce que je ferai : j'abattrai mes greniers, j'en bâtirai de plus grands, j'y amasserai toute ma récolte et tous mes biens; et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années; repose-toi, mange, bois, et réjouis-toi.
Mais Dieu lui dit : Insensé ! cette nuit même ton âme te sera redemandée; et ce que tu as préparé, pour qui cela sera-t-il ?
Il en est ainsi de celui qui amasse des trésors pour lui-même, et qui n'est pas riche pour Dieu. (Luc 12:13-21, LSG).
Charité:« L'aide ou le secours aux pauvres ; donner l'aumône. Quelque chose donné pour aider les nécessiteux ; aumône ». (Le dictionnaire American Heritage) |
Cette parabole m'a toujours dérouté. Je me demandais : « Quelle est la leçon enseignée ici ? Qu'il ne faut pas être riche ? Qu'il ne faut pas construire de plus grands greniers (ou : granges) ? » J'ai finalement décidé que l'homme était traité d'insensé parce que - ne riez pas - j'en suis venu sérieusement à cette conclusion : dans sa quête pour montrer sa richesse, il a décidé de démolir ses granges existantes avant d'en construire de plus grandes.
Mais ce n'est pas du tout ce que dit cette parabole ! La clé pour comprendre cette parabole se trouve dans la conception israélite de la charité.
La récompense de l'aumône
La culture de l'ancien Israël était extrêmement libérale. La veuve, l'orphelin et l'étranger étaient pris en charge. « Quand vous ferez la moisson dans votre pays, tu laisseras un coin de ton champ sans le moissonner, et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner. Tu abandonneras cela au pauvre et à l'étranger. Je suis Yahuwah, votre Dieu. » (Lévitique 23:22)
Chaque septième année, la terre elle-même devait bénéficier d'un repos sabbatique pendant lequel la récolte de tout ce qui avait poussé devait aller aux pauvres. « Pendant six années, tu ensemenceras la terre, et tu en recueilleras le produit. Mais la septième, tu lui donneras du relâche et tu la laisseras en repos; les pauvres de ton peuple en jouiront, et les bêtes des champs mangeront ce qui restera. Tu feras de même pour ta vigne et pour tes oliviers. » (Exode 23:10-11) En fait, toute personne qui avait faim pouvait prendre ce dont elle avait besoin pour apaiser sa faim et cela n'était pas considéré comme du vol. C'est précisément ce que faisaient les disciples dans Matthieu 12. Les pharisiens ne les accusaient pas de voler des épis, mais plutôt de le « moissonner » ; en le frottant entre leurs mains pour le décortiquer, ils « vannaient ». En d'autres termes, ils travaillaient le jour du Sabbat.
Il est clair que les Israélites avaient une vision du don que les Chrétiens d'aujourd'hui ont perdue. Cette attitude est expliquée clairement dans les paroles de Christ dans le sermon sur la montagne : « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur. » (Matthieu 6:19-21) La récompense pour avoir donné aux pauvres, selon l'Écriture, est très réelle : vous accumulez des trésors au Ciel, où vos actions sont consignées jusqu'au jour où Yahushua reviendra et récompensera les fidèles.
Ce n'est pas un concept nouveau. À l'époque de l'errance dans le désert, Yahuwah a ordonné :
Au bout de trois ans, tu sortiras toute la dîme de tes produits pendant la troisième année, et tu la déposeras dans tes portes. Alors viendront le Lévite, qui n'a ni part ni héritage avec toi, l'étranger, l'orphelin et la veuve, qui seront dans tes portes, et ils mangeront et se rassasieront, afin que Yahuwah, ton Dieu, te bénisse dans tous les travaux que tu entreprendras de tes mains. (Deutéronome 14:28-29)
Voilà pourquoi l'Écriture dit de donner : pour que Yahuwah vous bénisse dans tout ce que vous faites.
Acte de service
De nos jours, les gens hésitent beaucoup plus à donner. Nous nous demandons : Et s'il l'utilise pour acheter de la drogue ou de l'alcool ? Et si elle demande juste parce qu'elle suppose que je suis américain/européen ? Et s'ils attendent juste de me faire les poches ou de me voler mon portefeuille ?
Les Israélites ne s'inquiétaient pas de telles choses. Ils donnaient librement et laissaient les résultats à Yah. En fait, aider les pauvres était considéré comme un moyen d'échapper à la damnation, car cela revenait à donner à Yahuwah Lui-même. Cela devenait donc un acte élevé d'adoration du Créateur Lui-même.
Proverbes 10:2 déclare : « Les trésors de la méchanceté ne profitent pas, mais la justice (droiture, KJV) délivre de la mort. » Les dictionnaires modernes définissent la « droiture » comme « un acte juste »1 et même l'Écriture contient ce sens du mot. Le mot « droiture » vient du mot hébreu tsedaqah. Il signifie : moralement droit, juste, vertueux et inclut les actes vertueux. Proverbes 10:2 pourrait donc tout aussi bien être traduit par : « Les trésors de la méchanceté ne profitent pas, mais les actes justes délivrent de la mort ».
Si un acte juste peut, dans certaines circonstances, sauver une vie physique, il a un impact encore plus grand sur la vie spirituelle. Donner aux pauvres, aider ceux qui sont dans le besoin, même si cela exige un sacrifice de votre part, c'est déclarer ouvertement au monde votre foi en un Dieu vivant qui prend soin de Ses enfants et les récompense. Proverbes 19:17 déclare : « Celui qui a pitié du pauvre prête à Yahuwah, Qui lui rendra selon son oeuvre (ce qu'il a donné, NKJV). »
La foi radicale
Il est facile de donner une pièce à un mendiant, mais il est bien plus difficile de donner quand on aurait vraiment besoin d’utiliser cet argent pour soi-même. Quand vous aidez ceux qui sont dans le besoin - même si vous pourriez bien utiliser cet argent pour vous-même - vous exercez votre foi dans le fait que Yahuwah pourvoira à vos besoins. C'est une déclaration publique de votre foi que Yahuwah vous rendra ce que vous avez donné.
Paul a félicité les Philippiens pour leur générosité en subvenant à ses besoins, en déclarant que c'était pour leur bénéfice spirituel, ajoutant son assurance que Yahuwah, à son tour, subviendrait à leurs besoins.
Vous le savez vous-mêmes, Philippiens, au commencement de la prédication de l'Evangile, lorsque je partis de la Macédoine, aucune Eglise n'entra en compte avec moi pour ce qu'elle donnait et recevait; vous fûtes les seuls à le faire,
Car vous m'envoyâtes déjà à Thessalonique, et à deux reprises, de quoi pourvoir à mes besoins.
Ce n'est pas que je recherche les dons; mais je recherche le fruit qui abonde pour votre compte.
J'ai tout reçu, et je suis dans l'abondance; j'ai été comblé de biens, en recevant par Epaphrodite ce qui vient de vous comme un parfum de bonne odeur, un sacrifice que Dieu accepte, et qui lui est agréable.
Et mon Dieu pourvoira à tous vos besoins selon sa richesse, avec gloire, en Yahushua-Christ. (Philippiens 4:15-19)
Ainsi, les anciens Israélites et même les premiers chrétiens considéraient le fait de donner aux nécessiteux comme un acte d'adoration, car en donnant aux pauvres, vous rencontriez Yahuwah Lui-même. Jean Chrysostome, un archevêque de Constantinople du quatrième siècle, enseignait que les pauvres pouvaient, dans un sens concret, être considérés comme un autel où adorer Yah. Il a écrit : « À chaque fois que vous voyez un pauvre croyant, imaginez que vous voyez un autel. Quand vous rencontrez un mendiant, ne l'insultez pas, mais révérez-le ». Cela peut sembler un peu radical aux yeux des croyants d'aujourd'hui, mais Christ lui-même l'a enseigné dans une puissante parabole du jugement.
Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire.
Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs;
et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche.
Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde.
Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais étranger, et vous m'avez recueilli;
j'étais nu, et vous m'avez vêtu; j'étais malade, et vous m'avez visité; j'étais en prison, et vous êtes venus vers moi.
Les justes lui répondront : Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, et t'avons-nous donné à manger; ou avoir soif, et t'avons-nous donné à boire ?
Quand t'avons-nous vu étranger, et t'avons-nous recueilli; ou nu, et t'avons-nous vêtu ?
Quand t'avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi ?
Et le roi leur répondra : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites.
Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges.
Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire;
j'étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité.
Ils répondront aussi : Seigneur, quand t'avons-nous vu ayant faim, ou ayant soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t'avons-nous pas assisté ?
Et il leur répondra : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n'avez pas fait ces choses à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne les avez pas faites.
Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle. (Matthieu 25:31-46, LSG)
Quand nous soulageons la souffrance des autres de quelque manière que ce soit, nous soulageons de façon très concrète la souffrance du Père qui ressent tout ce qu'ils ressentent. De la même manière, quand nous refusons notre aide à ceux qui en ont besoin, nous la refusons au Père Lui-même. Donner aux autres est donc un privilège et un acte d'adoration.
L'homme riche dans la parabole de Yahushua était un insensé, non pas parce qu'il était riche ou parce qu'il voulait construire de plus grandes granges. Il était insensé parce qu'il cherchait à amasser un trésor sur la terre plutôt que de l'utiliser pour aider les autres. Ce qui lui aurait donné un trésor dans les livres de comptes du Ciel.
La question que nous devons tous nous poser est la suivante : qu'est-ce que ma façon de donner révèle de ma foi en Yah ?
1 Dictionnaire du siècle